Intersemiotic translation as defined by Roman Jakobson (1959) has been referred to and used in many different case studies including text and pictures or sounds. This is also the starting point for our research. We draw as well on the concept of multimodality and sketch the different historical and social functions of murals. The article consists of two research projects. The first project is based on a programme related to citizens’ cultural awareness and social inclusion launched by the municipality of Kaunas (Lithuania). We describe all the steps from the written official call to the implementation of their ideas by the artists. Two murals (2016-2018) are under systematic scrutiny. The second project refers to “Places of Interest” (2016), a project combining a photo of a place, a recorded description of the photograph and a painting derived from the recorded description by an artist living in a different country. The murals and the photo/painting are framed within a specific verbal context. We explore how the meanings are translated, how the different agents of the process interpret the directives and narratives. In the last section, we discuss further the conceptual implications of our work, especially the relevance of ‘intersemiotic translation’ and the need to re-question the concept of ‘translation’.
Intersemiotic translation, multimodality, mural, translation, visual code.
La traduction intersémiotique, définie par Jakobson en 1959, a été maintes fois citée et utilisée dans des études de cas où texte et images ou sons s’entremêlent. C’est également le point de départ de notre travail, comme d’ailleurs la notion de multimodalité, sans oublier les fonctions historiques et sociales remplies par les peintures murales. L’article s’appuie sur deux projets. Le premier est basé sur un programme de sensibilisation culturelle et d’inclusion sociale lancé par la ville de Kaunas, en Lituanie. Nous en décrivons toutes les phases depuis l’appel à projets de la municipalité jusqu’à la réalisation de l’artiste. Nous traiterons de deux peintures murales (2016-2018). Le second projet intitulé Places of Interest (2016) combine la photo d’un endroit, sa description enregistrée et la peinture dérivée de cette description par une artiste ignorant le lieu en question. Peintures murales et tableau sont donc encadrés par un réseau de textes. Nous explorons la traduction du sens et la façon dont les divers acteurs du processus de création interprètent directives et explications. Dans une dernière partie, nous revenons sur les implications conceptuelles de nos analyses, notamment sur la pertinence du concept de « traduction intersémiotique » et la nécessité de réinterroger celui de « traduction ».
Code visuel, multimodalité, peinture murale, traduction, traduction intersémiotique.
Les technologies numériques ont modifié en profondeur les manières de produire des documents et les relations entre les divers systèmes de signes utilisés dans une communication verbale ou non-verbale. Ainsi un texte composé de paragraphes, de phrases et de propositions peut désormais faire l’objet d’une mise en page significative, jouant sur la police de caractères et intégrant des images, fixes ou non. Ce n’est pas si nouveau : les brochures touristiques, les livres illustrés (livres d’art, livres pour enfants, livres de cuisine), les publicités, les manuels d’utilisateur, les sites Web, les BD, les objets de musée, les exposés avec diapositives, les textes audiovisuels, emploient toujours des éléments variés pour faire sens et prouvent que bien des textes ont depuis assez longtemps une dimension plurisémiotique. Mais désormais quasiment tous les textes ont cette dimension et les outils conventionnels pour les analyser – limités à la linguistique (au verbal) – tentent souvent d’emprunter concepts et méthodes à d’autres disciplines pour parvenir à des résultats fiables, pertinents et valides. En traductologie, les efforts pour appréhender pièces de théâtre, opéras, chansons, modalités de la traduction audiovisuelle, jeux vidéo, etc. soulignent la nécessité de développer des moyens d’investigation nouveaux mais aussi de prendre en considération les processus par lesquels différents systèmes de signes concourent à produire du sens (Kourdis et Kukkonen 2015).
Notre article portera sur les interactions de ces systèmes, notamment quand il y a passage de directives verbales à des réalisations picturales (peinture murale et tableau). Leur réception ne sera envisagée qu’à la marge, bien qu’elle ait un impact sur leur réalisation, puisqu’elle est anticipée dès la commande. Après une mise en perspective conceptuelle, nous analyserons un projet de peintures murales récemment mis en œuvre à Kaunas (Lituanie) (2016-2018), ainsi qu’un projet d’exposition présentée à Zurich, lors du Festival Theater Spektakel (2016) et réunissant divers tableaux élaborés à partir de descriptions verbales. À la suite de ces analyses, nous considèrerons leurs implications conceptuelles pour mettre en évidence que les rapports entre le verbal et le visuel sont aujourd’hui partie prenante du changement de paradigme affectant la traductologie.
La traductologie a pour objet… la traduction, mais on sait que cette dernière n’a pas de définition universelle (Gambier 1999/2000). Ses diverses dénominations reflètent les variations conceptuelles : variations en synchronie (« localisation », « adaptation », « transcréation », « médiation langagière », etc.), en diachronie (« mimesis », « imitation », « appropriation », etc.) et variations culturelles (« transmigration », « substitution », « métamorphose », « cannibalisme », etc.). Un des premiers à avoir soulevé cette ambigüité conceptuelle a été Jakobson (1959) qui a distingué trois types de traduction : intralinguistique, interlinguistique et intersémiotique – soumis à la condition de « l’équivalence dans la différence » (ibid. : 233), l’équivalence ne se donnant pas au niveau du système sémiotique dans lequel on traduit mais au niveau du message. Avec la « traduction intersémiotique » ou « transmutation », il s’agit d’« une interprétation de signes linguistiques au moyen de systèmes de signes non linguistiques » (ibid. : 233), « from verbal arts into music, dance, cinema or painting » (ibid. : 238). Jakobson ne va pas plus loin dans ce court texte à propos de ce type de traduction qui est le seul qui va retenir notre attention. Comme exemple de cette « mutual translatability » (ibid. : 234) entre les systèmes de signes, on peut citer une nouvelle traduite en film (on parle alors souvent d’adaptation), une balade polonaise dont la traduction en anglais va inspirer un court métrage, ou encore le film La vie de bohème d’Aki Kaurismäki (1993) dérivé d’un texte paru en feuilleton en 1845-49, puis édité en plusieurs volumes en 1851-52, après avoir été dramatisé en 1849 et avant de servir pour le livret d’opéra de Puccini en 1896 (Gambier 2004). On notera ici que Jakobson ne mentionne pas le processus inverse, à savoir un système non-linguistique rendu par un texte, par ex. une série télévisée devenant un roman (on parle alors parfois de novélisation). On notera aussi d’emblée l’ambigüité de cette notion de traduction intersémiotique : elle ne distingue ni les genres (par ex. passage d’une tragédie à un opéra) ni les supports (c’est-à-dire les effets de la matérialité sur le contenu, sur son interprétation : par ex. lors du passage d’un livre imprimé à une performance) et elle n’envisage pas non plus le passage d’un système non linguistique à un autre, comme d’un film à un jeu vidéo, d’une peinture à une chorégraphie (voir section 5.2).
Un autre concept à considérer est celui de « multimodalité », c’est-à-dire l’étude de la combinaison (et non de la simple addition) des ressources sémiotiques dans la production, le design, la distribution et la réception d’un document. Les travaux sur la multimodalité, depuis les publications majeures de Kress et Leeuwen en 1996 et 2001, ont multiplié les interrogations et propositions méthodologiques pour analyser, entre autres, les images fixes ou mobiles, les publicités, les textes affichés dans les musées, le photojournalisme. Les apports de ces travaux ont certainement permis un certain regain de la sémiotique (longtemps reflétant les divisions disciplinaires : sémiotique littéraire, religieuse, visuelle, etc.) et surtout d’envisager la coprésence des systèmes de signes, leurs interactions et même leurs interférences.
Le dernier terme qu’il nous faut introduire est celui de « peinture murale » (en anglais mural). D’abord on doit souligner que ce genre de représentations picturales sur un mur, une voûte ou un plafond appartient à une longue tradition, si on veut bien y inclure les fresques – depuis celles des grottes de Lascaux dont l’âge est estimé entre 18 000 et 15 000 ans, à celles de Mésopotamie, d’Égypte ou des Mayas datées du VIIIème siècle, en passant par celles de Pompéi, les médiévales ou renaissantes en Italie et en France, ou encore les célèbres fresques du mouvement muraliste, en particulier celles de Diego Rivera au Mexique dans les années 1920. Les peintures murales font partie aujourd’hui de l’art urbain (street art) qui peut employer diverses techniques (peinture, pochoir, mosaïque, stickers ou autocollants, tricot-graffiti). Elles relèvent de l’art éphémère (sujettes aux aléas du temps et de la météo), éphémère ne voulant pas dire forcément de courte durée (si on pense par ex. à Lascaux ou Pompéi). On les retrouve désormais dans un grand nombre de pays, avec ou sans reconnaissance et légitimité officielles. Elles relèvent aussi parfois de stratégies d’intervention urbaine – à visée sociale, sinon politique, en tant que pratiques de communication issues d’initiatives communautaires (de quartier ou de groupe socio-ethnique). On peut se référer à ce propos à Ayhan et Bogenç Demirel (2018) rapportant les transformations d’un quartier d’Istanbul, en particulier sous l’influence d’un Mural Istanbul Festival, et à deux films documentaires d’Agnès Varda (1928-2019) : Mur murs (1981) sur les peintures murales à Los Angeles, portant souvent sur les minorités, et Visages Villages (2017) sur des photos de gens rencontrés, agrandies et projetées sur les murs de leur habitat, comme une nouvelle forme de peinture murale au sein d’une collectivité donnée, démontrant ses implications sociales et spatiales.
Dans ce cadre, et stimulés par les formes de communication collective et publique, nous avons mené deux enquêtes sur trois projets différents, examinant leur processus de création depuis le concept de départ jusqu’à leur mise en œuvre. Voici en premier les deux projets lancés par la ville de Kaunas (300 000 habitants), capitale de la Lituanie entre 1920 et 1940 puis annexée par l’Union Soviétique jusqu’en 1990, sauf pendant la période d’occupation par les nazis (1941-1944).
La peinture murale Imagine résulte d’une initiative de la municipalité de Kaunas : Iniciatyvos Kaunui (Initiatives pour Kaunas) qui lança un appel à projets en février 2016 afin d’élever le niveau d’éducation culturelle des habitants et de favoriser l’inclusion et la communication au sein de la communauté. Les propositions reçues furent soumises à deux types d’évaluation : (1) leur conformité aux exigences de l’appel1 ; (2) l’avis d’experts anonymes2. Les candidats devaient identifier le quartier où concrétiser leur idée et préparer une proposition de peinture murale. La proposition discutée ici est celle Vytenis Jakas3 intitulée Kiemo galerijos – bendrystė be sienų (Galerie en plein air – une communauté sans frontières) et destiné aux murs d’une cour. Sa proposition ne décrivait pas explicitement la future peinture mais mettait plutôt l’accent sur cette idée de développer le sens de la communauté grâce au pouvoir de l’art. Pour ce faire, il insista sur ses initiatives antérieures et sur les spécificités du quartier, situé au centre de la ville et historiquement lié à l’histoire culturelle juive puisque les maisons alentour (proches de la synagogue) furent habitées par des familles juives4. Ainsi, la peinture murale envisagée était supposée symboliser le pardon, l’amour des parents et les notions de départ et de retour, l’artiste s’inspirant à la fois de la peinture de Rembrandt Le retour du fils prodigue et de la chanson Imagine de John Lennon.
Photo 1. Le mur avant l’intervention de l’artiste.
Une fois son projet accepté, l’artiste soumit une première description verbale de sa peinture murale. En voici la teneur5 :
La peinture murale Imagine sera peinte sur un mur de la « Galerie en plein air ». Le travail est inspiré du tableau de Rembrandt Le Retour du fils prodigue et de la chanson de John Lennon Imagine. Dans le tableau, inspiré par la Bible, le fils revient dans un état misérable de ses voyages, où il a dilapidé son héritage et sombré dans la pauvreté et le désespoir. En repentir, il s’agenouille devant son père, pour implorer son pardon et une nouvelle place dans la famille, ayant compris que même les domestiques de son père sont dans une meilleure situation que lui. Son père l’accueille avec un geste de tendresse. Dans la peinture murale, on réinterprètera la figure du fils. Il sera représenté dans son enfance, comme un garçon curieux qui pourrait être l’un des nôtres… On doit sans cesse se souvenir que notre père céleste est toujours prêt à pardonner, comme le père à son fils dans le récit biblique. La peinture murale représentera les problèmes de l’immigration, elle se confrontera aux problèmes des relations et du pardon, à l’idée de seconde chance et de nouveau départ. [Notre traduction]
L’artiste soumit plusieurs prévisualisations de la peinture murale (photos 2, 3 et 4) ainsi que sa description verbale à la communauté locale et la municipalité organisa un sondage auprès des habitants : plus de la moitié accepta le projet tel qu’il était présenté.
Photo 2. Prévisualisation n°1 de la peinture murale Imagine.
Photo 3. Prévisualisation n°2 de la peinture murale Imagine.
Photo 4. Prévisualisation n°3 de la peinture murale Imagine.
Les photos 5 et 6 montrent la version finalement réalisée de la peinture murale, officiellement inaugurée en décembre 2016. Les commentaires reçus par le portail Kauno Diena (Journée de Kaunas) reflètent (Šakienė 2016) les opinions très positives de la communauté locale et de la municipalité, la peinture murale ayant une bonne influence sur les familles voisines ainsi que sur les visiteurs de la ville6. À noter que les habitants n’emploient plus guère le titre original Imagine, lui préférant Mažasis Princas (Le Petit Prince), allusion à l’œuvre de Saint-Exupéry. De l’appel de la municipalité à l’acceptation de la peinture murale, il y a donc eu divers passages sur lesquels on reviendra (5.1).
Photo 5. Version finale de la peinture murale Imagine.
Photo 6. Version finale de la peinture murale Imagine.
La seconde peinture murale intitulée Degantys akmenys (Les pierres ardentes) est l’œuvre du même artiste, Vytenis Jakas, et résulte d’un autre appel à projet de la ville de Kaunas. Par cet appel, Kauno akcentai (Les points forts ou reflets de Kaunas), lancé en septembre 2017, les autorités voulaient solliciter des sculptures, objets de design ou des installations, y compris lumineuses. L’appel allait de pair avec la commémoration du centenaire du renouveau de l’État lituanien. Il faut en effet rappeler ici que c’est le 16 février 1918 que l’Acte d’indépendance de la Lituanie fut signé, marquant la restauration d’un État démocratique, basé sur les principes d’égalité et de coopération avec les autres États. L’objectif était la décoration d’une place de Kaunas et les critères de sélection insistaient sur le caractère unique du projet, son originalité et son insertion harmonieuse dans l’environnement. Les propositions devaient en effet s’intégrer au niveau architectural, urbanistique et artistique à l’emplacement retenu par les candidats, afin de symboliser le nouvel État lituanien et pour le refléter dans le paysage urbain de Kaunas. Les mêmes procédures d’évaluation que pour le premier projet furent retenues (voir note 2).
La communauté, l’histoire et la culture ont influencé les choix thématiques et esthétiques de Vytenis Jakas. Puisque l’histoire de la Lituanie est fortement marquée par celle de la nation juive, il a entrepris de créer une nouvelle peinture murale en relation avec cet héritage juif. Il a ainsi choisi un lieu hautement symbolique de la présence juive à Kaunas, qui comptait plus de 37 000 membres avant la Seconde guerre mondiale. Ce lieu, des plus tragiques mais aussi des plus significatifs, est l’endroit où commencèrent les prémices de l’Holocauste. Il est désormais marqué par un petit obélisque derrière lequel se trouve une maison, anciennement commissariat de police du ghetto. L’obélisque et la maison indiquent le Kaunas Gheto vartai (ou entrée du ghetto de Kaunas), c’est-à-dire l’entrée du quartier de Vilijampolė, où les familles juives furent rassemblées avant leur déportation en camp d’extermination. La maison a survécu au désastre et sert d’habitation à quelques familles (non-juives aujourd’hui).
Photo 7. Maison et obélisque marquant l’entrée du ghetto de Kaunas avant l’intervention de l’artiste.
Une fois sélectionné, l’artiste a formalisé son idée puis a présenté une série de prévisualisations à son équipe.
Photo 8. Prévisualisation de la peinture murale Les pierres ardentes (façade).
Photo 9. Prévisualisation de la peinture murale Voisins (mur latéral).
Voici la teneur du projet verbalisé et transmis en lituanien par l’artiste (voir note 5).
Selon les principes de l’art sur site, le projet vise à créer une œuvre d’art (une peinture murale) pour mettre en valeur la signification culturelle et historique du quartier tout en créant des connotations émotionnelles positives, sans oublier l’obélisque. La création de la peinture murale en cet endroit spécifique de Kaunas, en vue d’une commémoration particulière (le centenaire de la restauration de l’État de Lituanie), doit révéler l’attitude des Lituaniens envers l’héritage culturel et historique juif.
La mosaïque stylisée des pierres sera peinte sur la façade. L’idée est inspirée par les pavés devant la maison où se trouve l’obélisque. Le sens symbolique de ces pavés est important dans la culture juive ; on les retrouve dans les cimetières. La mosaïque stylisée sur le mur rappellera cet héritage juif.
Puisque le symbolisme de la porte implique non seulement la fermeture (laisser derrière soi les évènements négatifs du passé et les souvenirs malheureux) mais aussi l’ouverture (un nouveau départ), celui des couleurs chaudes et des reflets dans les miroirs sera en rapport avec des émotions positives. L’intégration de miroirs dans la mosaïque aura un effet interactif : les phares des voitures qui passent et les rayons du soleil scintilleront constamment, éclairant symboliquement les pierres, les rendant ainsi « ardentes ». En outre, on aura des connotations positives de flamme éternelle, de lumière éternelle grâce à la permanence des reflets sur le mur constellé de miroirs. La mémoire de l’héritage historique juif en parallèle avec celle de l’héritage historique lituanien seront « ancrées » dans le mur, les rendant vivantes aussi longtemps que les voitures passeront devant et que le soleil se couchera et se lèvera.
Une peinture murale supplémentaire représentant deux garçons et dénommée Kaimynai (Voisins) sera ajoutée sur un autre mur de la maison. Elle symbolisera la relation fraternelle entre Juifs et Lituaniens aujourd’hui, la proximité, le sens de la communauté et la capacité à pardonner. [Notre traduction]
L’artiste a ensuite consulté les familles habitant la maison et cherché à obtenir l’approbation de la communauté juive de Kaunas. Cette double reconnaissance était essentielle pour que la peinture murale soit acceptée et valorisée, et pas seulement pour répondre aux exigences de la municipalité.
Les résidents de la maison demandèrent quelques changements, notamment pour que l’ensemble soit plus coloré et crée davantage d’émotions positives.
Photo 10. Prévisualisation modifiée de la peinture murale Les pierres ardentes (façade).
Photo 11. Prévisualisation modifiée de la peinture murale Voisins (mur latéral).
Le projet modifié fut également approuvé par la communauté juive de la ville7. La peinture murale fut inaugurée en juillet 2018, en présence de la communauté juive de Kaunas et de l’ambassadeur d’Israël en Lituanie. On reviendra sur les diverses transformations subies par l’œuvre entre le moment initial de l’appel à projet et son dévoilement au public (5.2).
Photo 12. Version finale de la peinture murale Les pierres ardentes.
Photo 13. Version finale de la peinture murale Voisins.
Le troisième projet (2016), appelé Places of Interest, met en jeu un processus en apparence similaire aux deux projets précédents, avec les tensions interprétatives inhérentes à chaque étape du processus de création : un appel traduit d’abord en une photo et une verbalisation, puis en une représentation picturale. Il y a cependant plusieurs différences :
Photo 14. Une rue enneigée en Finlande (le voile bleuté est un effet de l’appareil-photo).
La description de la photo 14 a été faite spontanément (sans notes), en trois langues, et enregistrée par la même personne qui avait pris la photo8.
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Suédois |
Finnois |
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Durée |
3mn01 |
3mn17 |
3mn07 |
Table 1. Enregistrement en trois langues.
Le contenu est semblable dans les trois langues : une rue en Finlande, couverte de neige avec des voitures et des arbres alentour, des lampadaires allumés contre le demi-jour d’un mois de décembre, quelques passants, un grand arbre de Noël qui bouche la perspective, des maisons en bois à un seul ou sans étage, un immeuble sur la gauche. Cette description a servi de point de départ à une artiste iranienne pour la réalisation de son tableau.
Photo 15. Peinture par Shadi Noyadi, Téhéran (Iran). Photo prise par Niklaus Sparri (reproduction avec l’autorisation de l’ayant droit).
La peinture présente une composition assez voisine de la description : une perspective de rue assez conventionnelle. Le sapin de Noël occupe cependant une place plus centrale (axe vertical), les points lumineux ainsi que les passants ont été quasiment supprimés, la neige est plus abondante, par ex. sur les voitures et sur la chaussée. Et surtout les maisons en bois (axe horizontal) sont esquissées selon une représentation qu’on pourrait qualifier de « russe » – le bois est brut (alors que sur la photo 14 les façades sont jaune clair) et striées de traits horizontaux qui leur donne un côté suranné et plus que modeste. De la photo qui montre la rue d’une ville sans en suggérer la taille, on passe à la peinture d’un milieu plutôt campagnard, exception faite des voitures nombreuses qu’on devine sous la neige.
Il y a donc à la fois continuité et rupture par rapport à la photo initiale, au moment du passage de sa description à sa représentation picturale. Seule une interview de la peintre pourrait confirmer ou infirmer ces interprétations rétrospectives – notamment sur sa préconception de la Finlande et l’impact de celle-ci sur sa traduction visuelle. Il ne faut pas oublier toutefois que l’objectif n’était pas de comparer la photo initiale du paysage hivernal avec la peinture qui a sa dynamique propre, avec sa matière, ses couleurs. La traduction d’une étape à l’autre implique néanmoins une interprétation personnelle (y compris la nôtre), non pas tant entre l’appel et la photo (photo 14) qu’entre la description et le tableau (photo 15).
Quelles réflexions peut-on tirer de ces trois projets perçus dans le cadre de la traduction intersémiotique ?
Imagine :
1. Appel municipal à 2. Proposition expliquée, spécifiée par le candidat à 3. Évaluation par des experts puis acceptation par la municipalité à 4. Description verbalisée par l’artiste et son équipe (traduite par nous) à 5. Prévisualisation du projet et description verbale soumises à la communauté locale + sondage par la municipalité à 6. Acceptation à 7. Réalisation de la peinture murale (à Réactions/commentaires du public).
Soit : appel (verbal) à description (verbal) à prévisualisation (visuel) à peinture murale (visuel).
Les pierres ardentes :
1. Appel municipal à 2. Proposition formalisée et visualisée par l’artiste à 3. Évaluation par des experts et acceptation par la municipalité à 4. Contact avec la communauté locale à 5. Nouvelles visualisations à 6. Acceptation à 7. Réalisation de la peinture murale.
Soit : appel (verbal) à descriptions (verbal et visuel) à peinture murale (visuel)
Places of Interest :
1. Appel international par un artiste à d’autres artistes à 2. Candidats contactés directement, prenant un lieu en photo puis décrivant cette photo à 3. Description verbale attribuée à des artistes d’ailleurs à 4. Réalisation de la peinture.
Soit : une photo (visuel)à sa description (verbal)à et le tableau (visuel).
Dans ces trois parcours, on constate des phases distinctes et à chaque fois la nécessité d’interpréter la phase précédente pour avancer (avec évaluation suivie d’une approbation). On note en outre le recours à divers codes : linguistique et visuel, ce dernier étant pictural et photographique. Pour les trois projets, le nombre, la qualification et la légitimité des intervenants varient : conseillers municipaux, experts anonymes, artistes initiateurs et réalisateurs, habitants locaux, agents dispersés et éloignés les uns des autres, sans oublier les inconnus qui sont venus et viendront regarder les peintures murales, donneront leur avis sur les réseaux sociaux, ainsi que les journalistes (presse, TV) qui ont rapporté l’inauguration. Cela n’est pas sans rappeler la « chaîne de coopération » de Becker (1982) qui fait de toute œuvre, depuis son exécution jusqu’à sa distribution, le résultat d’une suite de tâches et de négociations.
Les trois performances picturales sont le résultat d’un dire, suite à un appel motivé et aussi, pour les projets de Kaunas, à des explications sur la représentation imagée et ses effets sur l’environnement immédiat. Il ne s’agit donc pas d’actes de peinture médiés par la technologie comme nombre de productions exposées aujourd’hui mais bien d’interventions publiques à caractère socioculturel, sinon sociopolitique. Le troisième projet met en avant la recodification d’une expérience, d’une perception. Dans cet article, on a délaissé délibérément l’analyse systématique de la réception9. Les peintures murales de Kaunas ont-elles eu l’impact escompté, formulé à travers les valeurs, les justifications, les motivations avancées par la municipalité (meilleure inclusion sociale, sensibilisation culturelle accrue pour Imagine ; symbolisation du nouvel État lituanien, notamment dans ses rapports avec l’héritage juif, originalité artistique pour Les pierres ardentes) ? Les peintures de Places of Interest reflètent-elles l’importance accordée à un lieu par le/la photographe ou davantage les préjugés et les préconceptions du/de la peintre ? Quoi qu’il en soit, même en délaissant pour l’instant la réception des œuvres, il est évident que le sens de ces travaux s’est construit graduellement et collectivement.
Peut-on parler dans ces trois cas de « traduction intersémiotique » ? Il faut tout de suite noter les phases intermédiaires : prévisualisations entre l’appel à projet et la réalisation finale à Kaunas, description verbale entre photo et tableau pour l’exposition de Zurich. Qu’il s’agisse ou pas de « traduction », celle-ci n’est donc pas directe entre une supposée source (appel/photo) et le produit final. Par ailleurs, on doit remarquer le continuum entre interprétation (de l’appel et de ses directives, des descriptions verbalisées et des visualisations provisoires) et « traduction » finale en peinture murale et en tableau. Enfin, il faut de nouveau souligner qu’une interprétation a sa place dans chaque étape du transfert, d’un média à l’autre (photo/peinture), d’un code à l’autre (linguistique/visuel) : une traduction est d’abord une interprétation. Cela étant dit, revenons au concept de « traduction intersémiotique »de Jakobson, souvent invoqué (voir section 2) et souvent repris en traductologie10 mais rarement interrogé dans sa validité et sa pertinence11. La tripartition de Jakobson n’est pas un « faux problème » comme le prétend Mossop (2019 : 90) à travers une citation, se défaussant ainsi sur un autre pour rejeter la proposition du linguiste. Mais néanmoins, il faut la recontextualiser avant de pouvoir la considérer à la lumière des mutations technologiques actuelles (section 1) et de la remise en cause du concept de langue et du paradigme de la communication en traductologie qu’on note aujourd’hui12. En 1959, Jakobson se situe dans la lignée de la sémiotique, de la poétique et de la linguistique structurale, et non dans celle de la traductologie qui n’a pas encore émergé. D’ailleurs les exemples qu’il donne pour la traduction (intra- et interlinguistique) sont des mots isolés (comme bachelor, cheese) ou des problèmes morphologiques (comme masculin/féminin), contrastant surtout l’anglais et le russe. En outre, sous l’influence de Peirce, il parle d’« interprétation des signes » qui peuvent alors être « traduits » selon un des trois types mentionnés, englobant toutes les formes de communication au moyen d’une langue avec ses variations, entre langues et entre systèmes de signes (linguistiques ou pas). La traduction en question apparaît alors dans son ambigüité – ambigüité que la traductologie continue de véhiculer. Le terme peut en effet être pris comme métonymie, synecdoque (une partie pour désigner toutes les formes de communication) ou métaphore : la traduction comme transfert en art13, en sociologie (notamment en théorie de l’acteur-réseau), en mathématiques, en psychanalyse, en biologie et autres disciplines, sans oublier le concept controversé de « cultural translation »(Buden et al. 2009).
Pour dépasser la notion de « traduction intersémiotique » de Jakobson ainsi que la triple distinction proposée par Toury (1986/1994) entre traduction intrasystémique (ou intralinguistique), traduction intersystémique (ou interlinguistique) et traduction intersémiotique (entre différents codes), Kaindl (2013 : 261-262) s’appuie avec raison sur la différence entre mode14 (ou code sémiotique) et médium, d’où sa typologie :
Ces quatre catégories, avec leur subdivision interne entre l’intraculturel et l’interculturel, peuvent également former des genres hybrides, comme une pièce de théâtre de Shakespeare jouée sur scène et retransmise en français à la télévision ou au cinéma, avec des gros plans (traduction à la fois intermodale, intermédiale et interculturelle) ou comme la BD de Mickey en manga devenant un film d’animation japonais, doublé en anglais (traduction intramodale, intermédiale et interculturelle).
Le terme « traduction » alimente depuis quelque temps des polémiques sur l’objet de recherche de la traductologie (Halverson 2010). Cette dernière doit-elle inclure à la fois les trois types de Jakobson et les sens métaphoriques ou métonymiques ? La reprise automatique de la classification de 1959 peut-elle se faire sans questionner le mot-clé ? Dans l’espace limité de cet article, on ne peut synthétiser tous les éléments des discussions. On offrira seulement quelques arguments, notre objectif étant de voir la pertinence de l’expression « traduction intersémiotique » et son extension ou réduction sémantique possible. Même s’il emploie le terme comme synecdoque, Jakobson définit aussi la traduction comme « deux messages équivalents dans deux codes différents » (1959 : 233), omettant à la fois de préciser ce qu’il entend par « transmutation » (sauf comme synonyme de traduction intersémiotique) et par « transposition » (ibid. : 234) et de signaler les transformations éventuelles entre « les deux messages équivalents ». Rappelons que son court essai en reste au niveau de la langue et n’aborde pas les langues dans leur usage, en contexte, et que l’accent est mis sur l’interprétation des signes, sur le sens comme « traduction » d’un signe par un autre, dans le prolongement de la sémiotique de Peirce. En aucun cas, l’auteur ne se soucie de la traduction professionnelle, de l’objet de la traductologie. Comme d’autres auteurs par la suite (voir par ex. Goethals et al. 2003 et Torop 2003), il s’interroge sur la traduction comme semiosis (toute semiosis n’étant cependant pas traduction), caractérisée par trois composants : elle présuppose une différence significative entre les systèmes sémiotiques, une similarité (potentialité toujours à déterminer) et une médiation (le texte cible parlant au nom du texte source) (Stecconi 2004 ; 2007).
Mossop (2019) reprend la notion d’« invariance » ou « sameness of meaning », déjà défendue en 2017, en minimisant au maximum la variance (additions, omissions, par ex.), pour ne pas tomber dans l’utopie du transfert exhaustif, absolu, total du sens. Sa défense de la traduction professionnelle se comprend mais il néglige les transformations induites par les technologies ou la diversité des pratiques professionnelles. Tout le monde ne traduit pas uniquement ou presque des textes administratifs, financiers, juridiques. Quid des traductions dans les médias imprimés et audiovisuels17, de la localisation des sites Web, par ex., et de la multiplicité des concepts de traduction dans l’histoire et les différentes cultures contemporaines (Gambier et Stecconi 2019) ? Ayant déjà rejeté la traduction intralinguistique (Mossop 2016), Mossop s’emploie maintenant à exclure de la traductologie les traductions intersémiotiques18, sous prétexte que toute traduction devrait reproduire un même sens (déjà dans le texte de départ), sous-estimant le rôle de lecteur que joue le traducteur, le rôle des récepteurs dans l’interprétation des textes, ainsi que le rôle des autres parties prenantes dans la visée de traduction. En outre, il semble ignorer les questions et remises en cause élaborées par exemple par Venuti (1995/2018 ; 2019). Il demeure fortement sous l’influence des notions de fidélité et d’exactitude. Son argumentation reste basée sur un nombre limité de genres de textes et une conception textualiste du sens. Par ailleurs, elle repose sur quatre critères de l’invariance ou minimisation des changements : la rétro-traduction (la back translation redonne « more or less » le même sens que la source), les correspondances établies, conventionnelles (des éléments sont « frequently » traduits de la même façon), la permanence libre (ou cette capacité à dériver le sens initial sans forcément se reporter au texte de départ ou à d’autres références) et la contrainte minimale pour faire des ajouts ou des omissions dans le produit final (ces modifications étant quantifiables sur tout le texte d’arrivée). Mossop se garde bien de préciser les limites du « plus ou moins », du « fréquemment », ou de quantifier les modifications qui feraient qu’on serait hors de l’invariance. Il reconnaît cependant que les deux premiers critères ne sont pas applicables systématiquement pour les traductions intersémiotiques et que le troisième est acceptable même s’il est facilement satisfait.
Bref, l’invariance est une notion fragile pour définir la traduction, même interlinguistique et a fortiori intersémiotique. Mossop en conclut qu’il doit y avoir néanmoins des critères pour ranger la transposition intersémiotique sous les oripeaux de l’invariance – s’éloignant finalement de « la tendance ennuyeuse » (2019 : 90) de la traductologie à élargir son domaine au-delà des travaux interlinguistiques. Avec des assertions non démontrées et des exemples sélectionnés, on en reste à une spéculation plus idéologique que scientifique et on reste sur sa faim quant à la teneur et à l’extension du domaine de la traductologie, recouvrant une traduction étroite (uniquement interlinguistique) et une traduction complexe (toute communication est traduction, la traduction est aussi métaphore). Cette imprécision n’empêche pas que d’autres disciplines talonnent la traductologie, pour aborder les communications en général comme par ex. Adaptation Studies, Localisation Studies, Intercultural Studies, Transfer Studies, Knowledge Management, Internet Studies, Web Science. Y aura-t-il dans le futur une transdiscipline apte à analyser, décrire, expliquer les manières dont les groupes, les individus, les cultures gèrent leurs « différences » ?
6. Conclusion
Les traductions dans leur ensemble se font de plus en plus à partir de textes multimodaux. Les projets analysés dans cet article montrent la complexité et l’imbrication des processus de production et de design des matériaux soumis à l’espace public. Entre le verbal et le visuel (ici pictural et photographique), le va-et-vient implique des interprétations et des traductions, c’est-à-dire des constructions de sens, souvent collaboratives, en passant d’un système de signes à un autre. Il en va de même par ex. avec les informations en ligne, les « textes » en temps réel élaborés pour les logiciels : ils soulignent toujours plus les liens entre interprétation et traduction, ce qu’a toujours défendu la sémiotique (Stecconi 2010). Les projets présentés ici relèvent de la traduction intersémiotique, au-delà du sens jakobsonien, en tenant compte de la distinction entre code et médium19 et en redéfinissant la traduction non comme équivalence entre texte de départ et texte d’arrivée mais comme passage d’un sens interprété d’un système de signes à un autre. Il resterait à analyser davantage le type d’interaction existant entre verbal et visuel : y-a-t-il explicitation, paraphrase, symétrie, mise en valeur, complémentarité, contrepoint, contradiction ? Il n’empêche, tous les phénomènes décrits ici concourent au double changement paradigmatique qui affecte la traductologie actuelle : du paradigme de l’équivalence à celui du tournant culturel, s’appuyant sur la perception de la traduction dans la société réceptrice ; du paradigme de l’imprimé qui a permis à celui de l’équivalence de se développer, à celui du numérique qui transforme les pratiques de production et de réception des textes, y compris traduits.
L’élargissement de la traduction interlinguistique, longtemps dominante, à d’autres formes et formats, explique les tensions actuelles au sein de la traductologie entre une conception basée sur l’écrit littéraire et religieux, et qui imprègne encore une idéologie populaire de la traduction, et une conception ouverte à des textes hybrides, pluri-sémiotiques.
Acknowledgements
Photographs are reproduced in this article with the kind permission of the rights holders. Nous remercions vivement tous les artistes (Vytenis, Phil, Shadi, Nada, Niklaus) qui nous ont autorisé à reproduire leurs travaux.
Yves Gambier est professeur émérite de l’université de Turku, Finlande, où il a enseigné entre 1973 et 2014. Il est aussi professeur invité dans divers pays. Ses travaux portent sur divers domaines de la traduction, notamment la traduction audiovisuelle, ainsi que sur la formation des traducteurs. Il a présidé l’European Society for Translation Studies (1998-2004) et coordonné (2007-2009) le groupe d’experts pour le projet EMT/European Master’s in Translation. Il a été éditeur général de Translation Benjamins Library (2006-2017) et il siège dans plusieurs comités de rédaction de revues spécialisées.
E-mail : yves.gambier@utu.fi
Saulė Juzelėnienė est professeure à l’université de technologie de Kaunas, Institut des Sciences Sociales, Arts et Humanités. Elle a participé à divers projets régionaux et internationaux. Elle est la coordinatrice du Groupe de recherche en Traduction et Langues. Ses centres d’intérêt portent sur la traductologie, la sémiotique de la publicité, la linguistique cognitive, la sémantique et la pragmatique. Elle est membre de l’association lituanienne de linguistique appliquée et de l’association pour la recherche sur la métaphore (RaAm).
E-mail : saulute.juzeleniene@ktu.lt
Saulé Petroniené est professeure à l’université de technologie de Kaunas (KTU), Institut des Sciences Sociales, Arts et Humanités. Elle est membre du Groupe de recherche en Traduction et Langues. Ses centres d’intérêt recouvrent la linguistique, la traduction, la langue des nouveaux médias et les sciences de l’éducation. Elle enseigne à KTU depuis 1999. Elle est membre de l’association lituanienne de linguistique appliquée et de la Société européenne de traductologie (EST/European Society for Translation Studies).
E-mail : saule.petroniene@ktu.lt
Note 1:
Ces exigences ne sont pas de même nature que celles par ex. d’un mode d’emploi dont les directives servent à monter ou faire fonctionner une machine. Celles-ci doivent être mises en acte dans un processus qui peut engager plusieurs acteurs. Voir la notion de« translational action » développée par Holz-Manttäri (1984) et d’autres fonctionnalistes.
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Note 2:
Le rapport des experts ne fut pas divulgué aux candidats.
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Note 3:
L’artiste a conçu et réalisé les deux peintures murales dont il est question et pris les 13 photos qui s’y rapportent.
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Note 4:
Avant et durant l’Holocauste, les familles se réfugièrent dans le Ghetto de Kaunas (voir 3.2), de nouvelles familles occupant les maisons abandonnées. Le quartier en question s’est peu à peu délabré, d’où l’initiative de la municipalité soutenue par les habitants.
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Note 5:
Communication orale de Vytenis Jakas faite à Saulė Juzelėnienė en juin 2019.
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Note 6:
Sont ainsi soulignées sur ce site (Šakienė 2016) les notions et valeurs d’unité, de communauté, d’amour, de compassion, de partage, de solidarité, de bienvenue et de célébration.
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Note 7:
En fait trois communautés juives sont intervenues : celle de Kaunas (déjà mentionnée), celle de Lituanie (dont les retours furent positifs comme l’atteste son site web) et la communauté religieuse juive de Kaunas. Cette dernière n’a réagi qu’après la réalisation de la peinture, la critiquant entre autres via les réseaux sociaux pour ses couleurs perçues comme insultantes pour le destin tragique des juifs. La polémique fut telle que la municipalité, ayant reçu une plainte, organisa un sondage auprès des juifs nés en Lituanie, vivant dans le pays ou à l’étranger. Les résultats de l’enquête furent si positifs que la polémique s’arrêta là.
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Note 8:
Toutes les communications entre l’initiateur et les photographes ou les peintres étaient en anglais. La plupart des descriptions ont néanmoins été faites dans la langue du photographe puis traduites par la même personne ou quelqu’un d’autre. Ces versions étrangères ont servi à un montage sonore pour l’exposition à Zurich.
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Note 9:
Par « réception », nous entendons ici la réception après l’inauguration des peintures murales à Kaunas (voir note 4) et après l’ouverture de l’exposition de Zurich. Nous avons mentionné toutefois que les réactions des gens du quartier ont été prises en considération dans le processus de réalisation des projets 1 et 2, les modifiant partiellement.
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Note 10:
Des quelques pages du texte de 1959, une critique acerbe a été formulée récemment par Marais (2019).
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Note 11:
Comme par ex., et pour ne citer que deux références de 2018, chez Weissbrod et Kohn (2018) où les illustrations sont considérées comme deux lectures d’un conte folklorique auquel elles donneraient ainsi une nouvelle dimension, ou chez Tsiakalou qui voit la « traduction » du Sacre du Printemps par deux chorégraphes comme une « intervention idéologique » (2018 : 26) liée au genre et à la sexualité.
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Note 12:
Voir par ex. Sakai (1997) qui considère la traduction comme une relation sociale, une pratique sociale.
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Note 13:
La « traduction » est souvent perçue comme métaphorique en art : elle serait d’une part la trajectoire entre les pensées et sensations de l’artiste, de son projet, et sa réalisation peinte, sculptée, musicale, et d’autre part l’espace entre ce produit et les sens des récepteurs devant ce produit. La numérisation des arts complexifie ces « traductions ».
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Note 14:
Kaindl se situe dans le cadre de la multimodalité marquée par la linguistique systémique fonctionnelle de MAK Halliday tandis que nous optons pour une terminologie plus sémiotique (d’où « code » plutôt que « mode »).
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Note 15:
De la fin du IIIème au XVIIIème siècle, nombre d’œuvres d’art visuelles en Occident ont représenté des sujets empruntés à une source écrite (Bible, mythes, chroniques), comme le sacrifice d’Isaac, la décapitation de Méduse ou Gorgone, Vénus, parfois en s’inspirant d’une peinture ou sculpture déjà existante (par ex. la série de sculptures de David par Donatello (vers 1431), Michel-Ange (1501-1504), Cordier (au tout début du XVIIème siècle)).
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Note 16:
C’est l’« épitexte », selon Genette (1987).
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Note 17:
Pour Mossop, la traduction audiovisuelle et celle des chansons sont des exemples de traduction multimédia où pour formuler le texte cible, on doit prendre en compte des éléments non-linguistiques du matériel de départ. Voir ci-dessus la traduction intermédiale.
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Note 18:
Par analogie, on peut penser à un médecin qui rejetterait les maladies génétiques sous prétexte que la médecine a toujours été définie pour lui comme un moyen de lutter contre les maladies bactériennes ou virales.
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Note 19:
Le sous-titrage peut être ainsi défini comme traduction intersémiotique ou interlinguistique mais prenant en considération les aspects intersémiotiques du produit audiovisuel.
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